Photo : Académie de droit international de La Haye. Avec l’aimable autorisation du Secrétaire général
CLAUDE-ALBERT COLLIARD
(1913-1990)
Né le 14 juillet 1913 à Marseille, Claude-Albert Colliard est un universitaire français, et le père de Jean-Claude (1946-2014), universitaire et membre du Conseil constitutionnel (1998-2007).
Il effectue son droit à Aix-en-Provence, en parachevant son cursus avec un doctorat (1938) portant sur la thèse Le préjudice en droit administratif, dirigée par le Professeur Louis Trotabas. Après une parenthèse marquée par la Seconde Guerre mondiale et l’approfondissement d’une réflexion menée durant sa détention, celui-ci accède à l’agrégation (droit public) en 1945. Ses recherches ont été essentiellement consacrées au droit international public ainsi qu’aux libertés publiques.
Il décède à La Ciotat le 3 décembre 1990, à l’âge de 77 ans. Successivement ou à la fois enseignant, directeur de thèse, auteur ou encore jurisconsulte, son œuvre scientifique dépasse largement le cadre de l’Université, et se mesure à l’aune de sa personnalité multifacette.
Un juriste bâtisseur au service de l’Université, de l’État… et du droit
Le Doyen C.-A. Colliard s’illustre tout au long de sa carrière marquée par l’exercice de multiples activités. Il fut ainsi un universitaire ainsi qu’un praticien de renom.
Professeur de son état, il enseigne à Grenoble (1947-1959) avant de s’établir à Paris (1952-1982) jusqu’à la fin de sa carrière universitaire. Dans chacun des ces deux établissements, il occupa d’importantes fonctions (doyen, directeur et coordinateur d’Unité d’enseignement et de recherche, etc.). Comme le dira Jacques Robert, « nul n’aura joué un si beau rôle sur la scène éclairée de l’université française. »
Parallèlement aux cours, à une production scientifique foisonnante ainsi qu’à l’encadrement de multiples thèses – et dont les auteurs seront eux-mêmes d’éminents professeurs –, son expertise l’amène à dispenser des enseignements et participer à des colloques à travers le monde.
Le regard qu’il porte sur le droit est en plus affûté par son expérience de praticien avisé, et rompu tant au contentieux international qu’aux négociations diplomatiques. C’est ainsi qu’il exercera des fonctions de jurisconsulte au profit de la France ainsi que d’autres États, notamment à l’occasion d’affaires portées devant la Cour internationale de Justice, dans le domaine du contentieux frontalier et territorial. À noter qu’il sera désigné juge ad hoc à la Cour par le Nicaragua lors de la fameuse affaire des Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (1986). C.-A. Colliard exercera également les fonctions de délégué de la France lors de conférences internationales, à l’instar de la Troisième Conférence sur le droit de la mer (1981-1982) ou encore à l’ancienne Commission des droits de l’homme de l’Organisation des Nations Unies (1982-1984).
Une contribution notoire dans la matière du droit international des espaces et des libertés publiques
Le Doyen Colliard se distingue aussi par sa contribution à la connaissance du droit international en France et à l’étranger. Aussi, les responsabilités administratives et scientifiques confiées au sein de l’Université l’amènent à notamment créer le Centre d’études et de recherches de droit international (1973). Hors de l’Université, cette contribution sera assurée au sein de l’Institut de droit international ou dans diverses sociétés savantes telles que la Société française pour le droit international.
Dans les domaines du droit international des espaces ainsi que des libertés publiques, l’apport de C.-A. Colliard se révèle prégnant. C’est d’ailleurs cette aura qui le mènera jusqu’à La Haye, au sein de l’Académie de droit international, avec son cours sur les fleuves internationaux (1968). Retenons par exemple le principe et les nécessités d’une gestion internationalisée des fleuves internationaux posés par l’auteur. D’ailleurs, l’institutionnalisation de la société internationale constitue l’une des thèses constantes que l’on retrouve dans son précis d’Institutions internationales, ouvrage faisant toujours autorité en la matière.
Les libertés publiques constituent par ailleurs l’autre domaine de prédilection de l’auteur ; domaine dans lequel son expertise reconnue à travers son précis de Libertés publiques l’amène à représenter régulièrement la France à la Commission des droits de l’homme précitée. C.-A. Colliard s’est notamment efforcé de mettre en évidence les transformations du régime juridique des libertés publiques face à l’émergence des nouvelles technologies.
Une intuition scientifique stimulante
Ne revenons pas sur les deux maîtres livres du Doyen Colliard maintes fois réédités et portant respectivement sur les Libertés publiques d’une part, et les Institutions des relations internationales (dont la 1ère édition remonte à 1960) d’autre part. Il s’agit plutôt de mettre l’accent sur la compréhension et l’intuition de l’évolution du droit international qui ont été les siennes. À une époque qui leur montrait une indifférence notable, il n’a eu de cesse d’insister sur l’importance des relations économiques internationales et de leur droit, encourageant de futurs maîtres à entreprendre des thèses, qui sur les relations monétaires internationales, qui sur le commerce international, ceci pour ne citer que deux thèses dont les auteurs seront aisément reconnus. Le Doyen aimait insister sur ce qu’il appelait « les problèmes économiques fondamentaux ». On se souvient de son analyse sur l’inégalité compensatrice, ou encore sur le fait que « la civilisation contemporaine est celle de l’avion à réaction, de l’énergie atomique et déjà celle des vols cosmiques. » Et en effet, avec l’économie, le champ de la coopération technologique internationale, largement entendue, sera investi grâce à une curiosité toujours en éveil ; et là encore des thèses seront dirigées avec des réussites incontestables puisque leurs auteurs deviendront vite des spécialistes réputés et écoutés. Comme quoi, cet enthousiasme était communicatif et fructueux.
Ajoutons que le Doyen Colliard avait une passion pour faciliter l’accès aux documents juridiques à une époque, est-il besoin de le dire, où l’internet n’existait pas. Partant de la conviction que « disposer de documents est un impératif de toute analyse scientifique », le Doyen a publié et facilité l’accès à un très grand nombre de documents comment en témoigne son impressionnant Droit international et histoire diplomatique, confectionné avec Mme Aleth Manin. Même avec le passage du temps et les services que peuvent rendre aujourd’hui les moteurs de recherche, ces publications (trois livres) restent utiles au juriste comme à l’historien.
Habib GHÉRARI Professeur à Aix-Marseille Université Yazid KHIAR Docteur en droit, Aix-Marseille Université
Chercheur associé au CUREJ de Rouen et au CRDP de Lille
Sources : CIJ, communiqué n°84/32 du 8 octobre 1984, p. 1-7 ; R.-J. Dupuy, « Le Doyen Claude-Albert Colliard », AFDI, 1990, p. 7-8 ; J. Robert, nécrologie in RIDC, 1991, volume 43, n° 1, janvier-mars, pp. 153-154
BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE
Ouvrages
Le préjudice en droit administratif français, Aix-en-Provence, Roubaud, 1938, 440 p. (thèse parue chez Dalloz en 1938)
Actualité internationale et diplomatique : 1950-1956, Paris, Montchrestien, 1948, tome II, 686 p.
Droit international et histoire diplomatique : documents choisis, Paris, Domat/Montchrestien, 1950, Collection Textes et statistiques de l’Université de Grenoble, 785 p.
Économie et droit de l’électricité, Paris, Éditions Domat/Montchrestien, 1950, 276 p. (avec J.-M. Jeanneney)
Institutions internationales, Précis Droit public – Science politique, Paris, Dalloz, 1ère édition 1956 (10e édition, 1995, avec L. Dubouis)
Libertés publiques, Précis Droit public – Science politique, Paris, Dalloz, 1ère édition, 1959 (8e édition, 2005, avec R. Letteron)
Les télécommunications par satellites : aspects juridiques (dir., avec A.-Ch. Kiss), Paris, Éditions Cujas, 1968, 456 p.
Cours
Cours de droit administratif européen : licence, 4ème année : 1965-1966, Paris, Cours de droit, 1966, 420 p.
Cours d’organisations européennes : licence, 4ème année : 1966-1967, Paris : Cours de droit, 1966, 424 p.
Droit international et politique étrangère, Paris, Presses universitaires de France, 1959, pp. 307-330
Problèmes économiques et droit international, Paris, Institut des hautes études internationales, 1958-1959, p. 111
Articles
« La question d’Indonésie », Revue juridique et politique de l’Union française, 1950, pp. 379-427
« Le Statut international du Sud-Ouest africain », Revue juridique et politique de l’Union française, 1951, pp. 94-112
« La question de Formose », AFDI, 1955, pp. 67-84
« L’évolution du statut des territoires du Togo », AFDI, 1956, pp. 222-241
« Le règlement des différends dans les organisations intergouvernementales de caractère non politique », in Hommage d’une génération de juristes au Président Basdevant, Paris, Pedone, 1960, pp. 152-182 (article mis en ligne avec l’aimable autorisation des Editions A. Pedone)
« La Convention de Vienne sur les relations diplomatiques », AFDI, 1961, pp. 3-42
« Quelques réflexions sur la structure et le fonctionnement des organisations internationales », in Mélanges offerts à Henri Rolin : problèmes de droit des gens. Paris, Pedone, 1964, pp. 67-79 (article mis en ligne avec l’aimable autorisation des Editions A. Pedone)
« Les satellites de diffusion directe », AFDI, 1972, pp. 717-730
« Le droit de l’espace ou le ciel et la terre », in La Communauté internationale : mélanges offerts à Charles Rousseau, Paris, Pedone, 1974, pp. 63-74 (article mis en ligne avec l’aimable autorisation des Editions A. Pedone)
« Le juge administratif français et le droit communautaire », in Mélanges offerts à Marcel Waline : le juge et le droit public, Paris, LGDJ, 1974, pp. 187-202 (article mis en ligne avec l’aimable autorisation des Editions LGDJ)
« L’accord entre la C.E.E. et la République arabe d’Égypte : principes et techniques d’une coopération privilégiée », in Les nouvelles perspectives de la coopération économique régionale entre C.E.E. et les pays arabes, colloque du Caire, 14 et 15 février 1977, Bull. du Centre de documentation d’études juridiques, économiques et sociales, 1977, vol. 5, p. 11-23
« Spécificité des États, théorie des statuts juridiques particuliers et d’inégalités compensatrice », in Le droit international, unité et diversité : mélanges offerts à Paul Reuter, Paris, Pedone, 1981, pp. 153-180 (article mis en ligne avec l’aimable autorisation des Éditions A. Pedone)
« État et nation », in Itinéraires : études en l’honneur de Léo Hamon, Paris, Économica, 1982, pp. 117-130 (article mis en ligne avec l’aimable autorisation des Éditions Économica)
« Problèmes et solutions en matière de règlement des différends », in SFDI, Perspectives du droit de la mer à l’issue de la troisième Conférence des Nations Unies sur le droit de la mer, Colloque de Rouen, Paris, Pedone, 1984, pp. 174-189 (article mis en ligne avec l’aimable autorisation des Éditions A. Pedone)
« L’irréductible diplomatique », in Études de droit des Communautés européennes. Mélanges offerts à Pierre-Henri Teitgen, Paris, Pedone, 1984, pp. 109-126 (article mis en ligne avec l’aimable autorisation des Éditions A. Pedone)
« Principes et règles de droit international applicables en matière de délimitation maritime », in Études en l’honneur de Roberto Ago : le droit international à l’heure de sa codification. Milan, Giuffrè, 1987, vol. II, pp. 87-106
« EUREKA ou une coopération technologique européenne », Revue roumaine d’études internationales, 1988, mai-juin, pp. 241-257
« Espace extra-atmosphérique et grands fonds marins », in Humanité et droit international : mélanges René-Jean Dupuy, Paris, Pedone, 1991, pp. 99-111 (article mis en ligne avec l’aimable autorisation des Éditions A. Pedone)
Hommages
Droit et libertés à la fin du XXe siècle : influence des données économiques et technologiques. Études offertes à Claude-Albert Colliard, Paris, Pedone, 1984, 665 p.
Institut du droit économique de la mer, Monaco (éd.), Droit de la mer : études dédiées au Doyen Claude-Albert Colliard, Paris, Pedone, 1992, 107 p.