Photo : Mélanges Puissochet
JEAN-PIERRE PUISSOCHET
(1936-2021)
Jean-Pierre Puissochet est né le 3 mai 1936 à Clermont-Ferrand. Il effectue ses études secondaires au lycée Ampère et au lycée du Parc à Lyon puis ses études supérieures à la Faculté de droit, à l’Institut d’études politiques et à la Faculté des lettres de Lyon. A l’issue de sa scolarité à l’Ecole nationale d’Administration de 1960 à 1962, au sein de la promotion « Albert Camus », il est nommé auditeur au Conseil d’Etat. Il a été de la génération qui a connu la guerre d’Algérie, où il a fait son service militaire.
Sa carrière aura été profondément marquée par son attirance pour les questions internationales et en particulier le droit international et européen. Son cursus en témoigne, alternant des fonctions de haut niveau le plus souvent à forte dominante internationale et juridique au sein de l’administration française, des institutions européennes et de diverses organisations internationales.
Un engagement constant au service du droit dans les relations internationales
Son goût pour les relations internationales et le droit appliqué l’ont naturellement orienté, à diverses reprises, vers des fonctions dans des organisations internationales, au sein desquelles il a su faire preuve d’une grande intelligence dans la conciliation des intérêts en présence et exercer une influence reconnue et saluée. Sa connaissance du droit international, son aptitude à la négociation et sa force de conviction souriante en ont fait un internationaliste apprécié et respecté. Il fut jeune conseiller du Directeur général d’études spatiales pour les problèmes administratifs et financiers (1966-1968), Directeur (1968-1970) puis Directeur général (1970-1973) du service juridique du Conseil des Communautés européennes, Directeur des affaires juridiques à l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE, octobre 1979-mars 1985), juge à la Cour de Justice de l’Union européenne européennes (octobre 1994-2006) et Membre du collège des arbitres de la Cour de conciliation et d’arbitrage près l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe.
Outre les fonctions qu’il a exercées avec talent au Conseil d’Etat, il a par ailleurs occupé au sein de l’administration française des postes à forte dominante juridique, dont certaines avaient d’importantes implications de droit international. Il fut Directeur général de l’Agence Nationale pour l’Emploi (1973-1975), Directeur de l’administration générale au ministère de l’Industrie (1977-1979), Directeur de l’Institut International d’Administration publique (mars 1985-novembre 1987) et Jurisconsulte, directeur des affaires juridiques au ministère des Affaires étrangères (novembre 1987-octobre 1994).
Dans ses fonctions de Jurisconsulte au sein du ministère des Affaires étrangères, il a su exercer ses grands talents de juriste de droit international dans les affaires bilatérales comme dans des contextes multilatéraux souvent complexes et délicats. Apprécié de ses collègues étrangers, avec lesquels il avait su lier des liens de confiance durables, d’un abord facile, ayant un grand sens du service de l’Etat, sachant conseiller et courageux si nécessaire dans ses conseils, capable de trouver des solutions imaginatives, consensuelles et respectant le droit, doué d’un don certain pour plaider devant les cours internationales, il aura laissé sa marque dans les nombreux dossiers dont il a eu à connaître. A propos de ses fonctions dans le domaine contentieux, notamment comme agent du Gouvernement français devant la Cour de justice de l’Union européenne et la Cour européenne des droits de l’homme ou dans plusieurs arbitrages, il aimait à souligner que « l’expérience contentieuse et la pratique du dossier ont peu de rivales pour développer l’analyse et la rigueur des juristes » et qu’il y avait là « une école de formation exceptionnelle ». Dans les nombreuses conférences internationales où il a siégé en tant que chef de la délégation française ou représentant de la France aux travaux de la 6ème commission de l’Assemblée générale des Nations-Unies, il a mis à profit son sens de la diplomatie juridique. Il a notamment participé, en 1990, à la signature du traité « quatre plus deux » , « portant règlement définitif concernant l’Allemagne », à la consolidation de la Conférence sur la Sécurité et la Coopération en Europe et à la promotion de la justice pénale internationale. Très attaché au respect du droit international comme exigence de l’action diplomatique, il était cependant lucide s’agissant des marges d’incertitude que ce droit peut parfois comporter. Conscient de l’importance du précédent et de la doctrine, il apportait une attention particulière aux relations avec l’Université.
Ses dons exceptionnels de polyglotte étaient l’une de ses forces. Il s’exprimait avec brio et rédigeait en anglais, en italien, en allemand et en néerlandais, outre de bonnes notions d’espagnol et de russe et des rudiments de langue arabe. Il pouvait converser en latin avec certains de ses -rares- collaborateurs aptes à le suivre sur ce terrain.
Il a veillé, tout au long de sa carrière, à encourager, motiver et former au droit international et à son application de jeunes générations de juristes ou de diplomates qu’il côtoyait et qui lui en sont restés reconnaissants.
L’un des artisans de la construction européenne
Dans ses fonctions de directeur général du service juridique du Conseil des Communautés européennes, de juge à la Cour de justice de l’Union européenne et de directeur des affaires juridiques au Ministère des Affaires étrangères, il a pu mettre avec enthousiasme son talent, sa vocation et sa hauteur de vue au service de la construction européenne. Il était très attaché à la place des Etats dans cette construction ainsi qu’au respect, dans les limites assignées par les traités, des compétences reconnues aux institutions européennes. Il s’est employé à la conciliation des positions en présence et à la recherche du consensus. Il s’est toujours, dans ces différentes fonctions, montré attentif à faire prévaloir une interprétation constructive et consensuelle des textes européens, qu’il s’agisse des textes fondateurs ou du droit dérivé, à des périodes marquées par l’élargissement des Communautés européennes puis de l’Union européenne. Son influence pour la défense du droit romano-germanique et de la langue française a en outre été l’une de ses préoccupations constantes.
Très attaché à la cohérence de l’action extérieure de la France, à la cohérence du respect de ses engagements en droit international et de sa place essentielle dans la construction européenne, Jean-Pierre Puissochet aura marqué ses fonctions, tout au long de sa carrière, de son empreinte de grand juriste de droit international et de droit européen.
L’importance des responsabilités qu’il a exercées et le temps qu’il y a consacré ne trouvaient de limites que dans l’attention constante qu’il portait à sa famille et de son attachement à son refuge d’été dans l’Aveyron.
Jean-Pierre Puissochet est décédé le 12 juillet 2021.
Edwige BELLIARD
Conseiller d’Etat honoraire
Ancienne directrice des affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères
Sources : L’Etat souverain dans le monde d’aujourd’hui. Mélanges en l’honneur de J.-P. Puissochet, Pedone, 2008, 331 p. ; notice sur le site de la CJUE ; Lettre de l’Association des membres du Conseil d’Etat, mai 2022, n° 5 ; Documents du colloque Droit et diplomatie à l’occasion des 300 ans de la fonction de jurisconsulte du ministère des Affaires étrangères de la France, Paris, 29 septembre 2022 ; Hommage rendu à J.-P. Puissochet par Jean-Claude Bonichot, juge à la Cour de justice de l’Union européenne, 2022.
BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE
Ouvrages
L’élargissement du marché commun : commentaire du traité et des actes d’adhésion du Royaume-Uni, du Danemark et de l’Irlande, Paris, Editions techniques et économiques, 1974, 640 p. (traduit et publié en langue anglaise en 1974 aux éditions Sijthoff)
Fascicules
Fascicules « EURATOM » et « OCDE », Jurisclasseur Droit international (Dalloz)
Articles
Chronique de jurisprudence administrative, in Actualité juridique (droit administratif) (1964-1966)
« The Court of Justice and international action by the European Community : the example of the embargo against the Former Yugoslavia », Fordham International Law Journal, 1996, Vol. 20, n° 5, pp. 1557-1576
« La juridiction communautaire : son rôle dans une Union européenne élargie et transformée », in Le Traité d’Amsterdam et les perspectives d’évolution de l’Union européenne : colloque Université Hitotsubashi, Université́ de Paris, Josuikaikan 5 juillet 1997, Paris, Pedone, 1998, pp. 21-33 (article mis en ligne avec l’aimable autorisation des Editions A. Pedone)
« Aux confins de la Communauté européenne : les régions ultrapériphériques », in Mélanges en hommage à Fernand Schockweiler, Nomos, Baden-Baden, 1999, pp. 491-509
« La Cour européenne des droits de l’homme, la Cour de Justice des Communautés européennes et la protection des droits de l’homme, in Protection des droits de l’homme : la perspective européenne = Protecting human rights : the European perspective : mélanges à la mémoire de/studies in memory of Rolv Ryssdal, Köln, Heymanns, 2000, pp. 1139-1151
« Les apports du droit communautaire à la conservation internationale des ressources halieutiques : lignes de force et jurisprudence récente », in La mer et son droit : mélanges offerts à Laurent Lucchini et Jean-Pierre Quéneudec, Paris, Pedone, 2003, pp. 531-544(article mis en ligne avec l’aimable autorisation des Editions A. Pedone)
« La pratique française de la protection diplomatique », in La protection diplomatique : mutations contemporaines et pratiques nationales : actes de la Journée d’études du 30 mars 2001 organisée à la mémoire de Georges Perrin, Bruxelles, Bruylant, 2003, pp. 115-120 (article mis en ligne avec l’aimable autorisation des Editions Bruylant)
« Les juridictions internationales : complémentarité ou concurrence ? le point de vue d’un membre de la Cour de Justice », in O. Delas, G. Guillaume (dir.), Les juridictions internationales : complémentarité ou concurrence ?, Bruxelles, Bruylant, 2005, pp. 53-62
« Les coopérations renforcées entre Etats membres de l’Union européenne : et si c’était possible ? » (avec S. Gervasoni), in Promoting justice, human rights and conflict resolution through international law = La promotion de la justice, des droits de l’homme et du règlement des conflits par le droit international : liber amicorum Lucius Caflisch, Leiden, Nijhoff, 2007, pp. 1157-1174
Hommage
L’Etat souverain dans le monde d’aujourd’hui. Mélanges en l’honneur de J.-P. Puissochet, Pedone, 2008, 331 p.