Chers Sociétaires, Chers Amis,
Je venais d’ouvrir mon ordinateur pour écrire quelques mots de souhaits et d’espoir pour l’année qui commence lorsque j’ai appris la tragédie de Charlie Hebdo. Mes vœux ne peuvent être tout à fait les mêmes quand les barbares s’en prennent au socle même de nos valeurs – nos : celles qui valent pour tous les hommes, celles que je souhaite, de tout mon cœur, à tous les habitants de notre planète : fi du relativisme ; la liberté qu’« ils » veulent tuer n’est pas un gadget occidental, c’est un bien commun de l’humanité.
Je sais : vous pouvez vous dire que le président d’une société savante ferait mieux de s’en tenir au principe de spécialité et se contenter de former des vœux pour le progrès du droit international et le renforcement de notre Société sans y mêler de grands sentiments qu’il serait plus avisé de laisser aux moralistes ou aux politiques. Je refuse l’objection : le droit international que notre Société a pour objectif de défendre et de promouvoir n’est pas (en tout cas pas seulement) un ensemble de recettes techniques facilitant la coexistence entre les États. Il est porteur d’un projet, et, n’en déplaise aux « positivistes », aux « réalistes » ou aux « empiristes » de tout poil, il est imprégné de valeurs – celles-là même que les nouveaux barbares veulent anéantir que ce soit à New York le 11 septembre, à Paris le 7 janvier ou, tous les jours, sur les terres conquises par Daech.
Droit sans conscience n’est que ruine de l’âme et je pense que juristes, internationalistes, nous avons le devoir de nous interroger sur les échecs du dispositif juridique et institutionnel existant et de réfléchir à ce que peuvent et doivent être les réponses du droit – de notre droit international – à l’obscurantisme terroriste. Pas tellement des réponses répressives – l’arsenal me paraît déjà fourni et l’on ne peut pas dire qu’il fasse la preuve de son efficacité dissuasive. Pas même des réponses préventives dans une perspective purement sécuritaire – ici aussi la panoplie des règles et des mesures en tout genre est fort étendue et les aggraver c’est faire le jeu des assassins alors que la sécurité totale est une chimère. Mais des réponses globales de nature à désamorcer le progrès des idées infâmes et des actes ignobles, réponses qui ne peuvent être qu’économiques, sociales et culturelles car ce sont la pauvreté, l’ignorance et l’inégalité qui favorisent le terreau dont se nourrissent les idéologies de haine.
Nous devons réaffirmer que nous sommes, plus que jamais,
« RÉSOLUS
- à préserver les générations futures du fléau de la guerre qui deux fois en l’espace d’une vie humaine a infligé à l’humanité d’indicibles souffrances,
- à proclamer à nouveau notre foi dans les droits fondamentaux de l’homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine, dans l’égalité de droits des hommes et des femmes, ainsi que des nations, grandes et petites,
- à créer les conditions nécessaires au maintien de la justice et du respect des obligations nées des traités et autres sources du droit international,
- à favoriser le progrès social et instaurer de meilleures conditions de vie dans une liberté plus grande,
ET À CES FINS
- à pratiquer la tolérance, à vivre en paix l’un avec l’autre dans un esprit de bon voisinage,
- à unir nos forces pour maintenir la paix et la sécurité internationales,
- à accepter des principes et instituer des méthodes garantissant qu’il ne sera pas fait usage de la force des armes, sauf dans l’intérêt commun,
- à recourir aux institutions internationales pour favoriser le progrès économique et social de tous les peuples.
Cela, assurément, sonne assez familier aux oreilles de tout internationaliste bon teint. Mais cela reste un bon programme. Mes souhaits, chers sociétaires, chers amis, pour cette année si mal commencée, sont que l’on progresse dans sa réalisation et que, à sa place bien sûr modeste, notre Société contribue à ce progrès dans toute la mesure de ses moyens.
Alain PELLET
Président de la SFDI