Photo : Académie de droit international de La Haye – avec l’aimable autorisation du Secrétaire général
SARAH WAMBAUGH
(1882-1955)
Née le 6 mars 1882 à Cincinnati en Ohio, Sarah Wambaugh est notamment connue pour être la première femme à avoir dispensé un cours (en français) à l’Académie de droit international de la Haye, dès 1927. De nationalité américaine, elle est la fille de Betty et d’Eugène Wambaugh, professeur de droit à l’Université de Harvard et spécialiste en matière de responsabilité internationale.
Sarah Wambaugh obtient plusieurs diplômes du Radcliffe College – alors annexe de l’Université de Harvard chargée d’assurer l’enseignement des femmes – dont une licence en 1902 et, quelques années plus tard, une maîtrise en droit international et sciences politiques en 1917. Elle étudie également aux universités de Londres et d’Oxford.
Figure de référence en matière de plébiscites internationaux dans la première moitié du XXème siècle, elle se voit décerner à titre honorifique le grade de docteur en droit de l’Université de Columbia en 1935, parmi d’autres diplômes honorifiques octroyés par les Universités d’État de l’Ohio, de Case Western Reserve et de Tufts.
En raison de son rôle actif dans différents plébiscites, elle reçoit aussi de nombreuses distinctions, telles que l’Ordre du Soleil (Pérou), la Croix de Chevalier, première classe, de l’Ordre du Mérite (Autriche), ou encore la médaille de Chevalier dans l’Ordre royal du Phœnix (Grèce), en 1949.
Wambaugh se distingue ainsi par son ancrage dans la pratique. Si elle tire des expériences de plébiscites des réflexions théoriques, ces dernières lui servent ensuite en tant que membre de différentes commissions de plébiscites. La particularité de ses travaux tient alors à leur illustration de l’enrichissement mutuel entre théorie et pratique du droit international.
Une étude théorique minutieuse de la pratique des plébiscites internationaux
La genèse de ses travaux remonte à 1917, année au cours de laquelle le Directeur de la division du droit international de la Fondation Carnegie pour la paix internationale, le Professeur James Brown Scott, lui demande de réaliser un travail de recensement des cas d’autodétermination en matière de changements de souveraineté.
Wambaugh qualifie alors ces situations de plébiscites et fait remonter le premier d’entre eux à la Révolution française, puis relève entre autres les nombreux plébiscites sous Napoléon. Elle produit ainsi un ouvrage de compilation monumental, qui de son aveu même, se révèle être plus conséquent que ce qui était initialement prévu. Il ne s’agit pas seulement d’un travail d’assemblage, dès lors qu’elle s’efforce de définir les contours du plébiscite. La théorisation de celui-ci est toutefois plus visible dans le cours qu’elle donne à l’Académie de droit international de la Haye en 1927. Selon elle, le principe d’autodétermination permet de régler pacifiquement des différends territoriaux, sous la forme de plébiscites, qui consistent à s’adresser directement aux peuples concernés. Le terme plébiscite semble alors renvoyer à l’usage actuel du terme référendum.
La première version de son ouvrage aurait servi au Président Wilson à la veille de la Conférence sur la Paix à l’issue de la Première Guerre mondiale. Son travail est salué comme étant à la fois exhaustif et objectif, ainsi qu’utile pour tout internationaliste intéressé par les transferts de souveraineté.
En parallèle de ses travaux académiques sur les plébiscites, Sarah Wambaugh s’implique dans l’American Society of International Law (ASIL), en contribuant régulièrement à la rubrique de critiques d’ouvrages. Elle participe à la vie de chercheuse en droit international en suivant des séminaires estivaux, tel qu’un de ceux organisés par l’Ambassadeur Amos J. Peaslee. Elle intervient également à l’Institut universitaire des hautes études internationales à Genève. En 1944, elle est élue membre à l’Académie américaine des arts et des sciences. Aux premiers rangs des femmes membres de sociétés savantes, elle s’est notamment positionnée en faveur du changement du terme « man » par « person » dans le règlement d’adhésion à l’ASIL.
La mise en pratique de l’expertise en matière de plébiscites internationaux
Au début des années 1920, Sarah Wambaugh a l’occasion de travailler au sein de la Société des Nations, dont elle déplore l’absence des États-Unis. Elle remplace pour une durée de six mois, en tant que membre temporaire, un membre permanent du département des Commissions d’Administration du Secrétariat de la Société des Nations. Son implication dans la Société et la description de la première année de fonctionnement de celle-ci de l’intérieur lui permettent d’affirmer, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, que la « nouvelle Société » pourra s’appuyer sur les outils de coopération internationale mis en place par l’ancienne.
C’est surtout sa participation effective à des plébiscites internationaux qui est notable. À cet égard, elle est experte pour le gouvernement péruvien lors du plébiscite de Tacna-Arica en 1925-1926, participant à la rédaction du règlement pour celui-ci. En 1934-1935, elle est l’une des trois membres de la commission de plébiscite de la Saar et en 1949, elle fait partie de la Commission du plébiscite des Nations Unies pour le Jammu-et-Cachemire.
Par ailleurs, de 1940 à 1945, elle est également conseillère auprès du directeur de la Branche ennemie de l’Administration économique étrangère, division de l’Administration de F. D. Roosevelt chargée au cours de la Seconde guerre mondiale, d’effectuer des études sur l’économie des forces de l’Axe afin d’identifier leurs vulnérabilités. En 1945-1946, Wambaugh est ensuite conseillère du chef de la mission américaine d’observation des élections en Grèce.
Wambaugh s’éteint le 12 novembre 1955 à Cambridge, au Massachusetts, laissant derrière elle ses travaux, qui, bien que peu plébiscités en apparence, constituent encore une référence sur le sujet. Wambaugh est elle-même une référence en tant qu’elle fait partie des premières femmes à avoir enseigné et pratiqué le droit international.
Joséphine RAYMOND
Doctorante à l’Université Paris Nanterre (CEDIN)
Sources : Notice biographique in RCADI, 1927, t. 18, p. 151 ; « Annual Dinner », Proceedings of the American Society of International Law at Its Annual Meeting (1921-1969), 1946, vol. 40, pp. 139-156 ; E. Evans, C. Per Lee Plumb, « Womenand the American Society of International Law », American Journal of International Law, 1974, vol. 68, n°2, pp. 290-299 ; « Papers of Sarah Wambaugh, 1902-1949 : A Finding Aid », Schlesinger Library on the History of Women in America, Radcliffe Institute for Advanced Study ; « Papers of Sarah Wambaugh, 1919-1948: A Finding Aid », Schlesinger Library on the History of Women in America, Radcliffe Institute for Advanced Study.
BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE
Ouvrages
A Monograph on Plebiscites: with a collection of official documents, Londres, Oxford University Press, 1920, 1088 p.
Plebiscites Since the World War, Washington, Carnegie endowment for international peace, 1933, 2 vol., xxix-603, xiv-614 p.
The Saar Plebiscite: with a collection of official documents, Cambridge (Massachusetts), Harvard University Press, 1940, 489 p.
Cours à l’Académie de droit international de la Haye
« La pratique des plébiscites internationaux », RCADI, 1927, t. 18, pp. 149-258
Articles
« Control of Special Areas », in R. B. Fosdick, Pioneers in World Order an American appraisal of the League of Nations, Columbia University Press, New York, 1944, pp. 107-120