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MOHAND ISSAD
(1936-2011)
D’un abord plutôt austère, Mohand Issad gagnait à être connu et d’abord à raison de qualités humaines qu’il s’abstenait d’exhiber, mais qu’il aimait qu’elles soient mises en relief par d’autres que lui.
Une thèse sur le jugement étranger devant le juge de l’exequatur
Cette pudeur lui venait sans doute de son éducation, de son attachement à la terre de ses ancêtres, Aït Abbas, à proximité de Tizi Ouzou, où il était né en 1936 et à laquelle il resta discrètement et fièrement attaché. Mais ces études universitaires le conduiront à Rennes où il découvrit les charmes et la rigueur du droit international privé au point de préparer sa thèse, sous la direction du Doyen Loussouarn, sur « Le jugement étranger devant le juge de l’exequatur, de la révision au contrôle » (LGDJ 1970). Essentiellement articulée sur l’étude du droit international privé français (le droit algérien n’en étant qu’à ses premiers balbutiements), il s’agit d’une étude de l’évolution du droit applicable à la matière jusqu’à l’arrêt Munzer dans laquelle le concept d’autorité de la chose jugée occupe une place centrale, la discrimination entre jugement étranger et jugement national trouvant à s’exprimer surtout par le contrôle de la compétence du juge étranger et, inévitablement par celui du respect de l’ordre public de l’Etat requis. Quelques articles confirmeront son intérêt pour l’exequatur et une prise de position sans nuance pour un type de contrôle allégé des jugements étrangers.
Le spécialiste de droit international à la Faculté de droit d’Alger
Le droit international ne le quittera jamais. Il en fit son enseignement principal à la Faculté de droit d’Alger et, du reste, nul ne s’aventura à lui contester cette charge. Par bonheur. Il a pu ainsi offrir aux lecteurs, en deux volumes, un Manuel de droit international privé dont la troisième et dernière édition a été publiée à Alger en 1986, par l’Office des Publications Universitaires, un ouvrage qui, malgré le temps, reste une référence, pour qui veut, par le détour de la langue française, comprendre les règles de conflit mais aussi les règles matérielles du droit international privé algérien.
A l’évidence, ce qui est devenu le droit commercial international, a retenu son attention, qu’il s’agisse des techniques juridiques sollicitées dans les accords de développement économique, déjà du droit mou envisagé à travers le code de conduite pour le transfert de technologie de la CNUCED qu’il fréquenta assidument comme expert des autorités algériennes pendant une dizaine d’années, des premières conventions bilatérales relatives aux investissements conclues par l’Algérie ou, bien entendu, de l’arbitrage, domaine dans lequel il retrouvait son penchant pour les questions de procédure et qui le conduisit à offrir aux lecteurs, notamment de la Revue de l’arbitrage, des commentaires du droit algérien de l’arbitrage (1977, 1993).
A la vérité, sa curiosité le poussait également sur d’autres terrains du droit, comme en témoignent nombre de contributions à la Revue algérienne des sciences juridiques et politiques : celui du droit de la famille, celui du droit monétaire et, dernier exemple, celui des conventions de coopération et d’entraide judiciaires, façon de revenir à ses premiers travaux sur l’exequatur, peut-être même, par-delà une approche positiviste, de cultiver une espérance dans la construction d’une entité maghrébine fondée sur le droit (« L’exequatur dans le droit conventionnel maghrébin », Revue maghrébine de droit, 1997).
Avocat et expert reconnu
Pour qui a connu ses enseignements ou simplement lu ses écrits (et on doit le concéder, trouvait plus d’un plaisir à le fréquenter), on ne peut qu’être frappé par la sobriété de son propos. Clarté du juriste ? Signe de la pudeur du personnage ? Incitation de l’autre à la curiosité intellectuelle et au dépassement ?
Un peu de tout ceci sans doute mais plus encore, le signe d’une observation intense des choses toujours renouvelées du droit à travers la pratique et, singulièrement, l’exercice continu de la profession d’avocat, de 1964 jusqu’à son décès.
Issad était aussi un expert souvent sollicité et qui, pourvu qu’il puisse échapper aux carcans de la bureaucratie, n’était pas avare de son temps – pour que le droit progresse. On s’explique ainsi qu’il ait accepté de présider aux destinées de « la Commission de réforme de la justice » (1999) dont le rapport reste méconnu, encore que des traces de son influence soient peu ou prou perceptibles dans le droit algérien.
Sa carrière et son rayonnement ont conduit à la publication de Mélanges en son honneur avec pour titre « L’exigence et le droit » (AJED éditions, Alger, 2011).
Ali BENCHENEB
Professeur émérite de l’Université de Bourgogne
Ancien Recteur d’Académie
Sources : Notice BNF ; « Mohand Issad, un éminent juriste d’origine kabyle », Le Monde, 31 juillet 2001 ; recension de la thèse publiée de M. Issad par Y. Linant de Bellefonds in Revue internationale de droit comparé, 1973, n° 25-4, pp. 965-966.
BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE
Ouvrages
Le jugement étranger devant le juge de l’exequatur, de la révision au contrôle, Paris, LGDJ, 1970, 154 p.
Droit international privé, 2 tomes (tome 1 : Les règles de conflits ; tome 2 : les règles matérielles), Paris, Publisud, 1986
Articles
« L’arbitrage en Algérie », Revue de l’arbitrage, 1977, pp. 219-249
« L’exécution des décisions judiciaires étrangères en droit algérien », Revue de droit des pays d’Afrique (Penant), 1974, volume 84, pp. 6-14
« La double nationalité dans les rapports algéro-français », Revue algérienne des sciences juridiques, politiques et économiques, 1988, vol. 26, pp. 7-24
« Deux conventions bilatérales pour la protection des investissements », Revue algérienne des sciences juridiques, politiques et économiques, 1991, volume 29, n° 4, pp. 713-734
« Arbitrage international, le nouveau droit », Revue Mutations, n° 5, 1993, pp. 7-12
« Le décret législatif algérien du 25 avril 1993 relatif à l’arbitrage international », Revue de l’arbitrage, 1993, n° 3, pp. 377-400 (article mis en ligne avec l’aimable autorisation de la Revue de l’arbitrage)
« L’exequatur dans le droit conventionnel maghrébin », Revue maghrébine de droit, 1997, n° 5, pp. 107-110
« La nouvelle loi algérienne relative à l’arbitrage international », Revue de l’arbitrage, 2008, n° 3, pp. 419-428 (article mis en ligne avec l’aimable autorisation de la Revue de l’arbitrage)
Hommage
L’exigence et le droit. Mélanges en l’honneur du professeur Mohand Issad, Alger, AJED Editions, 2011
Journées d’études Mohand Issad sur les contrats internationaux et les modes de règlement des litiges (Alger, 2011, 2013, 2014 et 2015)