ÉDOUARD CLUNET
(1845-1922)
Édouard Clunet, est né à Grenoble le 11 avril 1845 et est décédé à Strasbourg le 8 octobre 1922.
Avocat de la France, de la Turquie et… de Mata Hari
Ancien élève de l’Ecole des Chartes, il devient avocat au Barreau de Paris en 1866 où il obtient une certaine notoriété dans les milieux artistiques (il défendit notamment dans plusieurs procès Sarah Bernhardt) et se spécialise dans la branche du droit international. Il sera à Paris le « Legal adviser » des Ambassades d’Angleterre et d’Espagne. En 1902 il est l’avocat de la France dans l’affaire du blocus des ports du Venezuela par l’Angleterre et l’Allemagne devant la Cour permanente d’arbitrage et en 1903 celui de la Turquie dans le différend turco-russe relatif aux indemnités moratoires réclamées à la Turquie après la guerre de 1878. En 1917, il défendit Margaretha Geertruida Zelle, plus connue sous le nom de « Mata Hari », lors de son procès pour espionnage au profit de l’Allemagne.
Il a été membre de l’Institut du droit international presque depuis sa fondation (1875) et il en sera le président en 1911. En 1912, à Paris, il dirigera également les débats de la 27ème Conférence de l’International Law Association. En 1913, il se verra conférer le titre de docteur honoris causa par l’Université d’Oxford.
Un auteur prolixe
Edouard Clunet était de ces esprits curieux qui s’attachent aux sujets les plus variés. C’est ainsi qu’il jouera un rôle majeur dans la rédaction de la Convention d’Union internationale pour la protection des œuvres littéraires en 1886. En raison de sa connaissance approfondie des « associations » sur lesquelles il publiera un important ouvrage en 1909, il devint membre de nombreuses œuvres sociales comme la Société des gens de lettres, la Société des directeurs de théâtre, l’Association des anciens prisonniers de guerre, etc. Suivant cette même inspiration, il apportera le concours de ses connaissances juridiques (au côté de La Pradelle notamment) à plusieurs comités juridiques internationaux pour établir une législation internationale conforme aux besoins et aux intérêts de matières telles que l’aviation ou bien encore le droit maritime.
Il a écrit de très nombreux articles consacrés à des questions d’actualité, souvent sur des aspects juridiques internationaux délicats notamment sur l’affaire Schnaebelé (1887) qui a failli entrainer la rupture des relations entre la France et l’Allemagne ; sur la question des passeports en Alsace-Lorraine (1888) ; sur les offenses et les actes commis par des particuliers contre un Etat étranger (1887) ; sur la contestation des limites entre l’Equateur et le Pérou (1906), etc. Avec la guerre, il publiera de nombreux articles sur les questions nées de ce conflit et par la suite sur les traités de Versailles, de Saint-Germain et de Trianon et plus particulièrement sur le commerce avec l’ennemi en temps de guerre (1916), sur les responsabilités civiles et pénales de l’Allemagne (1919), sur les Traités de paix avec les puissances ennemies et les intérêts privés (1920) ou encore sur la « ville libre de Dantzig » (1920)…
Le fondateur du Clunet
Son œuvre majeure demeure la création en 1874 du recueil ordinairement désigné par son nom (le Clunet) qui eut pour titre originel « Journal du droit international privé et de la législation comparée » avant de devenir « Journal du droit international » en 1915. Constatant la place insuffisante des questions relatives aux rapports juridiques entre les peuples (commerciaux, financiers et industriels) dans les recueils existants, Edouard Clunet entreprit de doter la discipline d’un instrument d’information scientifique au profit des praticiens et des juristes. L’ambition du Journal était, et est toujours, de fournir des articles de doctrine, des analyses de la jurisprudence française et étrangère, des renseignements de toutes espèces sur les affaires et les questions relevant du droit international. Au fil des années, sous l’impulsion de son directeur désireux d’élargir le rayon d’action de son œuvre et de répondre aux exigences des circonstances, le Journal s’ouvrit à tous les aspects du droit international sans distinguer entre droit international privé et droit international public. Les répercussions que devaient entraîner la guerre sur les droits et les intérêts privés des individus mais aussi les actes politiques des Etats dans leurs rapports internationaux, l’application et l’interprétation des Traités sont autant de sujets qui ont donné au Journal l’occasion d’apporter aux praticiens de précieux éclairages sur le droit applicable. En outre, Edouard Clunet voulait que son Journal soit avant tout un répertoire méthodique et complet du droit international, ce pourquoi il ouvrit sa revue aux doctrines des théoriciens français et étrangers (Pillet, Mancini, Lyon-Caen, Weiss, Droz…) faisant de celle-ci le théâtre d’échanges fondamentaux sur de nouvelles conceptions du droit international qui ont depuis exercé une influence certaine sur la pratique de cette « science éminemment universelle » (La Pradelle).
Claudine MOUTARDIER Docteur en droit public Ingénieur d’études Université Paris 13, Sorbonne Paris Cité
Sources : J. Beghin, « Le Clunet et le développement d’un droit propre au commerce international », in Un siècle d’étude du droit international, Paris, Lexisnexis, 2006, pp. 397-402 ; J. Dehaussy, « La part du droit international public dans le Clunet : brève rétrospective », in Un siècle d’étude du droit international, Paris, Lexisnexis, 2006, pp. 3-7 ; J.-M. Jacquet, « Avant-propos », in Un siècle d’étude du droit international, Paris, Lexisnexis, 2006, pp. IX-X ; A. de La Pradelle, « Un homme, une œuvre: Édouard Clunet », Revue de droit international privé, vol. XVIII, 1922-1923, pp. I-VIII ; A. Prudhomme, « A nos lecteurs », Journal du Droit international (Clunet), t. 50, n° 1, 1923, pp. 5-8 ; L. Renault / T. E. Holland, « Maître Edouard Clunet », Journal of the Society of Comparative Legislation, New Series, vol.16, n° 2, 1916, pp. 97-101; Nécrologie in Le Figaro, Le Temps, Le Gaulois, La Propriété industrielle, le Journal du Droit international
BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE
Ouvrages
Du défaut de validité de plusieurs traités diplomatiques conclus par la France avec les puissances étrangères, Paris, Ed. Marchal, Billard, et Cie, 1880, 51 p.
Incident du consulat de France à Florence, Paris, Ed. Marchal, Billard, et Cie, 1888, 30 p.
Le Traité de Francfort : la guerre et les Alsaciens-Lorrains, Paris, impr. C. Pariset, 1914, 16 p.
Articles
« L’extradition de Garfunkel », Journal du droit international, t. 43, 1916, pp. 534-540
« Les ‘Heimathlose’ pendant la guerre », Journal du droit international, t. 45, 1918, pp. 1067-1070
Consultations
La Justice internationale. Les Responsabilités civiles et pénales de l’Allemagne, Paris, impr. de G. Cadet, 1919, 7 p.
Presse
« Les ‘petits États’ », Le Figaro, 21 décembre 1914, p. 3-4
« La guerre maritime ‘à l’allemande » et la piraterie », Le Temps, 22 mars 1915, p. 3
« La nationalité et la guerre », Le Temps, 25 août 1917, p. 3
« La remise de passeport à un agent diplomatique étranger », Le Temps, 6 septembre 1917, p. 2
« L’Allemagne et les neutres : la parole arrachée », Le Figaro, avril 1918, p. 1