La Société française pour le droit international a la tristesse de vous annoncer le décès de monsieur Pierre-Henri Imbert.
Ci-dessous, une nécrologie rédigée par le professeur Emmanuel Decaux.
Pierre-Henri Imbert est décédé à Strasbourg, le 8 novembre 2023, à l’âge de 78 ans. Il était né en 1945 au Boulou, près de Perpignan et avait entamé sa carrière universitaire comme assistant à Nanterre, avec une thèse remarquée sur Les réserves aux traités multilatéraux, publiée chez Pedone en 1978, avec une préface de Suzanne Bastid, et consacrée par le prix Julliot de la Morandière. Jeune agrégé de droit public en poste à Caen, il publiera une série d’articles dans l’AFDI tournant autour du droit de traités, critiquant les atermoiements de la France avant d’être détaché pour intégrer le Conseil de l’Europe où il fit une brillante carrière de fonctionnaire international, d’abord à la direction des affaires juridiques, puis au cabinet du Secrétaire général et enfin à la direction des droits de l’homme. A ce titre, il resta un membre fidèle et discret de la SFDI, siégeant au sein de son conseil pendant plusieurs années. Directeur adjoint de Peter Leuprecht, il lui succéda en 1995 comme directeur des droits de l’homme avant de devenir directeur général des droits de l’homme, de 1999 à 2005, date à laquelle il donna sa démission, revenant à l’université en enseignant à Nancy et à Strasbourg.
Il n’avait cessé d’être un pont entre la recherche universitaire et l’engagement européen, étant une cheville ouvrière du commentaire collectif de la Convention européenne des droits de l’homme publié avec une équipe du CEDIN de Nanterre, chez Economica en 1994 et réédité en 1999. D’une certaine manière cet ouvrage faisant la somme de la jurisprudence de la Cour avant la réforme du Protocole 11, reflète ce qui peut sembler aujourd’hui l’âge de l’innocence, avant la dilution de l’idéal européen. Sans s’expliquer avec éclat sur sa démission, il publiera un bilan désabusé, avec un style ciselé, nuancé et précis, à l’occasion du 60ème anniversaire du Conseil de l’Europe, sous le titre « Soixante ans d’indifférence respectueuse » dans l’AFRI de 2010.
Pierre Imbert avait des convictions fortes, qu’il exprimait dans les réunions internationales, d’une voix vibrante rappelant les principes, les valeurs, les engagements des Etats européens, loin d’un certain pédantisme universitaire comme d’une fausse neutralité de fonctionnaire international. Si ses écrits de cette période sont rares, réserve oblige, ils n’en sont que plus marquant, comme son célèbre « Droits des pauvres, pauvre(s) droit(s) » publié à la RDP en 1989 et si souvent plagié depuis lors. Dans le fil de son engagement auprès d’ATD Quart-monde comme de l’ACAT, il avait eu la satisfaction de voir réunis les droits sociaux sous la houlette de la nouvelle direction générale des droits de l’homme qui lui était confiée, marquant ainsi l’indivisibilité des droits de l’homme. Une de ses priorités avait également été le suivi de l’exécution des arrêts par le Comité des ministres, une tâche de plus en plus dévorante, avec l’élargissement du Conseil de l’Europe. Ses collègues et ses amis retiendront sa simplicité, sa modestie, sa sincérité et sa droiture qui donnaient encore plus de poids à son engagement européen, au prix d’un déchirement intérieur, sans jamais cesser d’appeler chacun au meilleur de soi-même. Malraux disait que « l’intelligence c’est la destruction de la comédie, plus le jugement, plus l’esprit hypothétique ». Pierre Imbert à sa manière a incarné cette lucidité critique au nom d’un idéal qui reste à (re)construire.