Autour de l’état d’urgence français
Journées d’étude de l’Institut d’Etudes de Droit Public
8 et 9 décembre 2016
Faculté Jean Monnet | Salle Georges Vedel
54 boulevard Desgranges | 92330 Sceaux
Après les attentats du 13 novembre 2015, l’exécutif français, conforté par le Parlement, a décidé de recourir à l’état d’urgence, en déployant une surprenante rhétorique de justification guerrière. Le choix de l’état d’urgence a immédiatement fait l’objet de vifs débats, nourris notamment des positionnements variés de la doctrine juridique, où re-jouèrent les justifications et critiques classiques du droit de l’exception.
L’état d’urgence a depuis lors engendré une pratique nouvelle d’un régime d’origine coloniale, imaginé au début du conflit algérien, réinstauré lors des troubles en Nouvelle-Calédonie puis dans les banlieues françaises. Ces origines de l’état d’urgence résonnent étrangement lorsqu’il est, comme aujourd’hui, question de répondre à un phénomène criminel exprimant selon certains analystes une sorte de « ressac postcolonial ».
La pratique contemporaine de restriction des droits fondamentaux autorisée par l’état d’urgence s’opère sous le contrôle du juge administratif en omettant le juge judiciaire qui n’est plus à l’origine de décisions privatives de droits confiées à l’exécutif. Ce juge administratif a, de surcroît, aisément admis la possibilité de mesures restrictives hors du champ justifiant spécifiquement l’exception.
Dans le même temps, la législation sur le terrorisme est venue durcir encore un régime pénal hors du commun.
L’ensemble de ces dispositifs permettent donc de renouveler la réflexion sur la justice d’exception. Mais la pratique française de l’exception peut également être située dans un environnement juridique supranational puisqu’à l’évidence la situation qui l’a fait naître présente des liens avec le monde international. Or, cet environnement juridique supranational lui est globalement favorable.
Car même si le discours justificatif originel de l’exécutif français ne correspond pas aux catégories classiques du droit international, ce droit est en mutation tant dans son contenu que dans son mode de production. L’affaiblissement du multilatéralisme et le rôle central du Conseil de sécurité des Nations Unies permettent d’exiger, d’autoriser ou de demander des législations nationales d’exception et des interventions militaires dans des formes inédites, et plutôt inquiétantes.
Dans le contexte régional européen, les pratiques d’exception nationales font certes l’objet d’un encadrement, variable, par la Cour européenne des droits de l’homme. Mais le droit de l’Union est, quant à lui, un vecteur de diffusion de sanctions issues de la lutte du Conseil de sécurité des Nations Unies contre le terrorisme, sanctions qui mettent en péril certains droits fondamentaux. Peut-on, dès lors, accorder crédit aux récentes propositions de la Commission européenne sur la garantie d’un Etat de droit pour les membres de l’Union ?
Le colloque de l’IEDP (Institut d’études de droit public – Université Paris-Sud) permettra d’interroger l’actualité de l’état d’urgence français, en évoquant les théories et pratiques de l’exception nationale (première journée) mais aussi les formes supranationales de l’exception (seconde journée). Il rassemblera politistes, historiens et juristes de droit interne, international et européen.