Photo aimablement fournie par M. Pascal Fauchille
PAUL FAUCHILLE
(1858-1926)
Paul Fauchille est né à Loos en 1858 et s’est éteint à Fontenay-aux-Roses en 1926.
Un disciple de Louis Renault, préférant l’ombre à la lumière
Sa famille, propriétaire d’une importante filature, a tracé son avenir dans l’industrie mais son goût pour les études le conduit, malgré les réticences de sa mère, à entamer des études de droit, d’abord à la Faculté de Douai puis à la Faculté de Paris. Il a parmi ces condisciples, André Weiss, et pour maître, Louis Renault avec lequel il nouera un lien puissant. Alors qu’une brillante carrière d’enseignant s’offre à lui, il renonce à passer le concours d’agrégation sur l’insistance de sa mère qui souhaite le voir reprendre l’affaire familiale. Plutôt que de choisir cette voie imposée, il devient avocat à la Cour d’Appel de Paris en 1878. Toutefois, cette situation ne le satisfait pas. Timide, il déteste se mettre en valeur et hésite à parler en public. Au prétoire, il préfère la vie du savant dans l’ombre, qu’il dévouera à cette science nouvelle qui l’intéresse tant : le droit des gens.
Un érudit méticuleux
Paul Fauchille est un érudit méticuleux qui a le souci de l’analyse, comme en témoignent sa thèse de doctorat Du blocus maritime. Etude de droit international et de droit comparé (publiée en 1882), son ouvrage La diplomatie française et la Ligue des neutres (1776-1783) qui recevra le prix Doniol de l’Académie des sciences morales et politiques en 1892 ou bien encore les recueils de documents intéressant le droit international entrepris dès 1914 puis la série de recueils sur les jurisprudences françaises, britanniques. Son œuvre de référence, qui restera longtemps la contribution la plus complète en la matière, réside néanmoins dans le Manuel de droit international public de Henry Bonfils, dont il propose en 1897, à l’appel de Louis Renault, une deuxième édition revue et mise à jour. D’abord déférent envers cette œuvre, Fauchille « s’enhardit » (La Pradelle) au fil des éditions successives (huit paraîtront entre 1898 et 1926). Les chapitres nouveaux (l’arbitrage, la guerre mondiale, les traités de paix, la Société des nations…), qui sont autant de monographies particulières, se succèdent au gré de l’évolution du droit des gens. Ils font de cet ouvrage, qui de manuel prendra la forme d’un traité, un instrument de travail s’attachant plus à l’analyse rigoureuse des événements qu’au jeu abstrait des idées.
Implication au sein de l’IDI
Fauchille est un esprit vif, d’une grande indépendance intellectuelle. Il est curieux des sujets où nulle solution de droit n’est encore acquise. Il est ainsi l’un des premiers à poser des règles juridiques concernant le domaine aérien et les aérostats (1901). C’est à l’Institut de droit international, rejoint en 1897, qu’il fera un rapport et une proposition de résolution sur le statut juridique des aérostats (1902), puis qu’il proposera un projet de convention sur le régime des aerostats en temps de paix qui sera approuvé en 1911. Son travail de rapporteur lui permet d’initier de nouvelles règles notamment sur la liberté de l’air. Confiant dans le progrès, Paul Fauchille, avec son goût du détail et le minutieux souci de ne rien laisser au hasard, propose également à l’Institut un règlement sur la télégraphie sans fils (1906). Il sera surtout le rapporteur de la commission sur le règlement des lois et coutumes de la guerre maritime dont l’importance du rapport fut saluée par le secrétaire de l’Institut comme « l’œuvre la plus mûrie que l’Institut ait eu à connaître ».
Directeur de la RGDIP et fondateur de l’IHEI
Croyant en l’avenir du droit des gens, en sa fonction pacificatrice et en la nécessité d’en assurer la plus large diffusion, Fauchille a contribué à façonner des outils au service du droit international. En 1894, à la demande de l’éditeur Auguste Pedone et sur la recommandation de Louis Renault, il prend la direction avec Antoine Pillet de la Revue Générale de Droit International Public. Il entretient des sympathies fructueuses avec toute une génération de juristes français (Lyon-Caen, Weiss, De Boeck…) et étrangers (Alvarez, Politis, Brown Scott etc.) qui viendront apporter à la revue les éclairages nouveaux sur ce droit en pleine expansion, au moyen d’observations susceptibles d’instruire aussi bien les jurisconsultes que tout public éclairé. Dans cette revue, Fauchille, fidèle à la démarche de sa pensée délaisse la doctrine pour l’analyse et ouvre dès le premier numéro la Chronique des faits internationaux appelée à être, comme il le précise, « le miroir fidèle de la vie des nations envisagées au point de vue des questions de droit dont elle occasionne la naissance ».
A l’issue de la Première Guerre mondiale, Paul Fauchille lance, de concert avec A. Alvarez et A. de La Pradelle, l’idée d’une grande école internationale de droit international, qui permettrait aux jeunes diplomates, militaires ou journalistes de s’instruire sur les principes du droit international en formation. Fort de l’appui du doyen de la faculté de droit et du recteur de l’académie de Paris, l’école, rattachée à l’Université de Paris pour donner aux études la sanction d’un diplôme officiel, prend le nom d’Institut des hautes études internationales. Il est inauguré en avril 1921 par le président de la République. Cette œuvre connaît des débuts difficiles mais l’abnégation de son créateur, qui en assume bénévolement les fonctions de secrétaire général ainsi que le dévouement des maîtres de la matière en font au fil des années une réussite qui perdure encore aujourd’hui.
Homme de devoir et de travail, modèle de simplicité et de dignité, confiant dans l’avenir du droit, Paul Fauchille ne cherchait pas les titres et les honneurs. Il ne recevra la légion d’honneur que quelques jours avant sa mort. Membre de l’Institut de droit international, membre associé de l’Académie royale de Belgique (1919) et de l’Institut américain de droit international, il était, comme le précise Albert de La Pradelle « un savant qui ne cherchait que le travail dans l’ombre, voulant se consacrer à la science pour elle-même et pour elle seule ».
Claudine MOUTARDIER Docteur en droit public Ingénieur d’études Université Paris 13, Sorbonne Paris Cité
Sources : J. Brown Scott, « In memoriam Paul Fauchille», AJIL, vol. 202, n° 2, 1926, pp. 335-337 ; A. de La Pradelle, « Paul Fauchille sa vie son œuvre », RGDIP, 1926, n°1-2, pp. 5-59 ; notice nécrologique in Annuaire IDI, 1926, pp. 67-68 ; A. Rolin, « Paul Fauchille et l’Institut de droit international », RGDIP, 1926, n° 5-6, pp. 366-372
BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE
Ouvrages
Du blocus maritime. Etude de droit international et de droit comparé, Paris, Librairie nouvelle de droit et de jurisprudence, 1892, 411 p.
La Diplomatie française et la ligue des neutres, Paris, Edition Pedone, 1893 (ouvrage récompensé par l’Institut de France, Académie des sciences morales et politiques, Prix Doniol en 1892)
La Guerre de 1914. Recueil de documents intéressant le droit international, Editions Pedone, Tome 1, Documents 1 à 379 ; Tome 2, Documents 380 à 670 ; Tome 3, Documents 671 à 861.
L’évacuation des territoires occupés par l’Allemagne dans le nord de la France, février-mars 1917, Paris, Librairie du Recueil Sirey, 1917, 62 p.
La guerre de 1914. Jurisprudence française en matière de prises maritimes. Recueil de décisions suivi des textes intéressant le droit international maritime publiés par la France pendant la guerre, Paris, Editions Pedone, 1917
La guerre de 1914. Jurisprudence britannique en matière de prises maritimes. Recueil de décisions suivi des textes intéressant le droit international maritime publiés par la Grande-Bretagne pendant la guerre (1914-1915), en collaboration avec Jules Basdevant, Paris, Rousseau & Cie, 1918
La guerre de 1914. Jurisprudence britannique en matière de prises maritimes. Recueil de décisions suivi des textes intéressant le droit international maritime publiés par la Grande-Bretagne pendant la guerre (1916-1919), en collaboration avec Jules Basdevant, Paris, Rousseau & Cie, 1927
Manuel de droit international, 8ème édition entièrement refondu du Manuel de droit international public de M. Bonfils, tome 2, Paris, Rousseau & Cie, 1920
Traité de droit international public, 4 volumes, Paris, Rousseau & Cie, 1921- 1926, t. 1, partie 1, partie 2, partie 3
Articles
« L’annexion du Congo à la Belgique et le droit international », RGDIP, 1895, pp. 400-438
« La théorie du voyage continu en matière de contrebande de guerre », RGDIP, 1897, pp. 297-323
« L’Europe nouvelle », RGDIP, 1899, pp. 5-8
« Le domaine aérien et le régime juridique des aérostats », RGDIP, 1901, pp. 414-485
« La circulation aérienne et le droit des Etats en temps de paix », RGDIP, 1910, pp. 55 et s.
« La guerre sous-marine allemande », RGDIP, 1918, pp. 75-84
« Louis Renault (1843-1918). Sa vie, son œuvre », RGDIP, 1918, pp. 1-253
« L’Institut de droit international. Session de Bruxelles », RGDIP, 1924, pp. 372-392
Rapports, communications