La SFDI a appris avec grande tristesse le décès du professeur Eric David. Elle adresse ses sincères condoléances à ses proches.
Un discours qui fut prononcé lors de la cérémonie en son hommage est reproduit ci-dessous :
Discours prononcé par Vaios Koutroulis et Anne Lagerwall
à l’occasion de la cérémonie d’hommage pour Éric David le 6 septembre 2023
Dans l’annuaire des anciens du concours Pictet, Eric se décrivait de la façon suivante :
«Professeur émérite de droit international public (donc « has been »), membre de la 1ère heure du fan club du Pictet, retraité mais toujours actif (cycliste quotidien, joueur de tennis impénitent, kitsurfer raté), défenseur des causes perdues (Palestine, Sahara occidental, PKK, Moudjahidines du peuple iranien, victimes des violations des droits humains et de la pauvreté dans le monde). Plus accessoirement, ancien membre de la Commission international humanitaire d’établissement des faits et Président du Centre de droit international de l’ULB. »
Cela en dit long déjà…
Eric est arrivé au Centre de droit international en 1968, 4 ans à peine après sa création par Jean Salmon qui l’avait invité à le rejoindre, et il y est resté… jusqu’à il y a quelques semaines. Si vous comptez bien, cela fait 55 ans passés à son bord.
Eric, c’est d’abord l’expert en droit international, mondialement reconnu, et son infaillible engagement à rappeler à tous ceux qui commettent des exactions, leurs obligations juridiques et à veiller à ce que les auteurs de crimes et leurs complices soient punis. Cela lui a valu une expulsion en 2016 du Maroc, ainsi qu’une interdiction de séjour en Iran l’année dernière. Fidèle à lui-même, il affirmait en être plutôt flatté… Ceux qui travaillent en droit international humanitaire connaissent tant l’aura du personnage que l’impact de ses écrits, qui resteront et influenceront des générations de juristes à venir. Mais il est vrai que, depuis jeudi passé, le droit international humanitaire est un peu orphelin…
Eric, c’est aussi cette prodigieuse capacité à partager le goût du droit international, à le rendre si vivant, si concret, si passionnant. Comme le montrent les témoignages qui affluent depuis quelques jours d’anciens étudiants de par le monde, Eric est parvenu si souvent à allumer un feu dans la tête et le cœur de ces jeunes qu’ils ont parfois choisi de poursuivre leur chemin en droit international. Tous racontent le pédagogue exceptionnel qu’il a été.
Eric, c’est encore cette furieuse envie de rire et de faire rire. Des blagues qu’il ne parvenait pas à finir tant elles le faisaient rigoler lui-même. Des blagues, même pour aborder les choses les plus sérieuses, comme en 2006, devant un journal télévisé resté célèbre parce qu’il annonçait l’indépendance de la Flandre. Eric était apparu soudainement à l’écran, à bord d’un hélicoptère survolant le territoire belge, expliquant on ne peut plus gravement quelle serait dorénavant la frontière, un sacré pied-de-nez qu’il avait tenu bien secret. Par contraste, il y avait des choses plutôt anodines avec lesquelles il ne rigolait pas du tout. La numérotation des paragraphes dans ces ouvrages par exemple, ce dont certains éditeurs ont fait les frais encore récemment.
C’est fou d’imaginer qu’on n’entendra plus les notes de musique classique qui grésillaient dans la radio portable qui l’accompagnait sur son vélo, ces notes qui invariablement annonçaient son arrivée. Qu’on n’apercevra plus sa silhouette, tout de jaune fluo vêtue, arborant ce casque qui lui donnait des allures de cavalier. Qu’on ne le surprendra plus dans notre salle de réunion à chiper tous les biscuits. C’est bizarre de penser qu’on n’entendra plus ses commentaires, souvent pertinents, parfois assez cocasses, parfois carrément sans gêne, ni ses fameuses digressions, à propos des mathématiques, ou des partitions de musique, ou de poésie. Tout cela va aussi nous manquer terriblement. Et on est tristes, mais on se sent vernis aussi, vernis d’avoir pu côtoyer toutes ces années un homme aussi flamboyant, comme on en rencontre peu au cours d’une vie.