Photo : Académie de droit international de La Haye. Avec l’aimable autorisation du Secrétaire général
GEORGES BERLIA
(1911-1977)
Georges Berlia est né le 18 décembre 1911 à Toulouse. Après des études de droit engagées dans cette même ville et achevées à Paris avec un doctorat en droit (1937) avec une thèse intitulée Essai sur la portée de la clause de jugement en équité en droit des gens, celui-ci est agrégé de droit public en 1942. Il oriente ses recherches essentiellement en droit international public ainsi qu’en droit constitutionnel.
Parallèlement à une carrière universitaire l’ayant mené aux quatre coins de la France (Grenoble, 1939-1942 ; Caen, 1942-1957 ; Paris, 1957-1977), et au-delà (Turin, 1958-1966 ; La Haye, 1955 et 1965 ; Madrid, 1958 et 1964), Georges Berlia exerce des responsabilités administratives et scientifiques, notamment au sein de la Revue du droit public et de la science politique en France à l’étranger (RDP) dont il a été successivement secrétaire général de rédaction et codirecteur, aux côtés de Marcel Waline (1945-1977).
Georges Berlia décède à Paris le 7 septembre 1977, à l’âge de 66 ans, léguant à la communauté scientifique une œuvre variée et laissant le souvenir d’un universitaire de grande qualité humaine, autant modeste que dévoué à l’institution.
Une double compétence avérée en droit constitutionnel et droit international public
Georges Berlia fait partie de cette génération de juristes de droit public dont la maturation s’est effectuée durant la Seconde Guerre mondiale, à l’instar de Georges Vedel, Charles Chaumont ou encore René-Jean Dupuy. C’est tout naturellement que ce passionné du droit, témoin des bouleversements ayant affecté les fondements du droit constitutionnel français et du droit international en a fait ses deux champs d’étude.
Cette présence sur le terrain constitutionnaliste ne saurait occulter le profil résolument internationaliste de Georges Berlia, lequel s’inscrit idéologiquement dans la droite lignée de Georges Scelle. Sur le plan scientifique, il affiche une préférence toutefois plus marquée pour le droit des crises internationales ainsi que le droit des règlements internationaux. Au point de décrocher à deux reprises la distinction que représente la dispense d’un cours à l’Académie de droit international de La Haye (sur la jurisprudence des tribunaux internationaux en ce qui concerne leur compétence, 1955 ; sur la contribution à l’interprétation des traités, 1965), et d’être le directeur d’études de la section française du Centre d’étude et de recherche de l’Académie (1961).
Un observateur avisé de son temps
La méthodologie à laquelle recourt Georges Berlia dans l’étude de la règle de droit accorde une importance certaine aux éléments extratextuels, dont le contexte ayant présidé à sa naissance ainsi que la pratique qui en a résulté. C’est ainsi qu’il étudiera les normes et institutions pendant et après la guerre, avec un ensemble d’articles rédigés jusqu’à la fin de son professorat à Caen (1957), quasiment concomitamment à la faillite de la Quatrième République. La seconde partie de sa production constitutionnaliste s’est attachée à l’étude approfondie de la Constitution de la Ve République (1958) ainsi qu’à la pratique de ses institutions.
Quant au terrain du droit international, son intérêt pour la pratique des États l’a amené à s’approprier la matière des relations internationales, relevant traditionnellement des historiens et des politistes, dans le cadre de ses recherches en droit des crises. Il publie de nombreux écrits portant sur le maintien de la paix, les problèmes de sécurité internationale et de défense, ou encore d’ordre nucléaire. Parce que le droit constitue l’une des sécrétions de l’État afin d’assurer son positionnement au sein de la société internationale, quoi de plus normal que de s’intéresser au contexte dans lequel ces mêmes États tissent leurs relations juridiques ? Le contexte fait d’ailleurs partie de l’un des critères de la règle générale d’interprétation du traité, domaine d’étude qui intéressera longtemps Berlia, et dont la contribution scientifique fera l’objet de ses deux cours à l’Académie. La pratique contentieuse du droit international n’est d’ailleurs pas en reste avec un ensemble d’écrits se rapportant à l’arbitrage ainsi qu’au règlement judiciaire des différends, ce dernier point ayant fait l’objet de son second cours à l’Académie.
La perspicacité d’un esprit au service d’une analyse plurielle de la règle de droit.
La perspicacité de Berlia, sa faculté à envisager l’évolution d’une règle de droit à partir de ses critères intrinsèques et extrinsèques, ainsi que son recours aux matières et méthodes périphériques du droit (sciences politiques, histoire, relations internationales) constituent les grandes lignes de son apport doctrinal.
Nombreux sont les écrits qu’il a rédigés en vue de mettre en évidence le potentiel d’élasticité de la règle de droit à l’épreuve de sa pratique, à l’exemple de la Constitution de la Ve République, à peine quelques mois après son entrée en vigueur (« Essai sur la Cinquième République », RDP, 1961). Parce qu’il « ne fut ni l’homme des grandes œuvres ni l’homme des petits manuels » selon le président et ancien membre du Conseil constitutionnel Jacques Robert, Berlia inscrivit très vite ses recherches dans l’observation et l’analyse de la règle de droit international à l’aune de la pratique des États à un moment figé. Il n’est dès lors pas étonnant que l’intérêt de ses écrits revête de prime abord un caractère essentiellement historique. Toutefois, la démarche qu’il adopte dans des écrits qui se veulent plus libres (contributions, essais,…) doit inviter le chercheur à dépasser le dogmatisme que peut constituer l’analyse strictement textuelle d’une règle de droit. Aussi, le recours à un outil – la règle générale d’interprétation – ainsi qu’à une approche intellectuelle plurielle constituent deux ingrédients inspirés de Georges Berlia.
Yazid KHIAR Docteur en droit, Aix-Marseille UniversitéChercheur associé au CUREJ de Rouen et au CRDP de Lille
Sources : Avant-propos de G. Vedel et J. Robert, in Droit public interne et international : études et réflexions. Recueil publié en hommage à la mémoire de Georges Berlia, Paris, LGDJ, 1980, 521 p. ; M. Waline, G. Morange, « Georges Berlia, 1911-1977 », RDP, 1977, pp. 927-930 (mis en ligne avec l’aimable autorisation des Editions Lextenso)
BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE
Thèse
Essai sur la portée de la clause de jugement en équité en droit des gens, Paris, Sirey, 1937, 214 p.
Cours
Les sources du droit des gens, Paris, cours de l’Institut des hautes études internationales, cours polycopié, 1952-1953
Contribution de la jurisprudence internationale à l’élaboration du droit international, Paris, Cours de l’Institut des hautes études internationales, cours polycopié, 1953-1954
Les procédures pacifiques des règlements internationaux et la Charte des Nations Unies, Paris, Cours de l’Institut des hautes études internationales, cours polycopié, 1956-1957
Les principaux thèmes de la doctrine de Georges Scelle, Paris, Cours de l’Institut des hautes études internationales, cours polycopié, 1961-1962
« Contribution à l’interprétation des traités », RCADI, 1965, vol. 114, n°1, pp. 287-331
Grands problèmes contemporains : problèmes de sécurité internationale et de défense. Paris : Les Cours de droit, 1975, 272-VI p.
Grands problèmes contemporains : le maintien de la paix, doctrines et problèmes (1919-1976), Paris, Les Cours de droit, 1976, 341-VI p.
Articles
« Le règlement arbitral de l’acte général », Revue de droit international, 1937, n° 3, pp. 104-113
« La guerre civile et la responsabilité internationale de l’Etat », RGDIP, 1937, pp. 51-66
« De l’admission des Etats membres de l’ONU », RGDIP, 1949, pp. 481-502 (article mis en ligne avec l’aimable autorisation des Editions A. Pedone)
« La responsabilité internationale de l’Etat », in La technique et les principes du droit public. Etudes en l’honneur de Georges Scelle, Paris, LGDJ, 1950, pp. 875-894 (article mis en ligne avec l’aimable autorisation des Editions Lextenso)
« Le droit des gens et la coexistence russo-américaine », JDI (Clunet), 1952, pp. 26-83
« Contribution à l’étude de la nature de la protection diplomatique », AFDI, 1957, pp. 63-72
« In memoriam : Georges Scelle», AFDI, 1960, pp. 3-5
« Le Président Jules Basdevant », Politique étrangère, 1968, volume 33, n°1, pp. 5-7
« Remarques sur la paix de Westphalie », in Hommage d’une génération de juristes au Président Basdevant, Paris, Pedone, 1960, pp. 35-42 (article mis en ligne avec l’aimable autorisation des Editions A. Pedone)
« La technique des traités et la politique nucléaire russo-américaine », in Mélanges offerts à Charles Rousseau: la Communauté internationale, Paris, Pedone, 1974, p. 33-41 (article mis en ligne avec l’aimable autorisation des Editions A. Pedone)
« Le Juge et la politique étrangère », in Mélanges offerts à Marcel Waline: le juge et le droit public, Paris, LGDJ, 1974, pp. 139-148 (article mis en ligne avec l’aimable autorisation des Editions Lextenso)
Hommage
Droit public interne et international : études et réflexions. Recueil publié en hommage à la mémoire de Georges Berlia, Paris, LGDJ, 1980, 521 p.